Ce pays de 11, 5 millions d’habitants est le plus pauvre des Caraïbes (70 à 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté).
Quand on pose le pied à l’aéroport de Port-au-Prince, la capitale, une fournaise nous enveloppe en même temps qu’une foule d’impressions fugaces et lourdes. Dès la sortie, nous sommes assaillis par les couleurs, le bruit assourdissant des klaxons, des musiques et des cris, des motos mal réglées, d’une circulation anarchique. Les habitants marchent, marchent interminablement, s’entrecroisent et s’interpellent, rient. Le premier contact est un choc ! Choc des sens agressés et, paradoxalement anesthésiés.
En effet, cette terre est pleine de contrastes : immense pauvreté matérielle mais grande chaleur humaine, visages souriants mais regards tristes et résignés, routes et maisons délabrées mais végétation luxuriante et colorée.
La route vers Jacmel est superbe une fois sorti de la cohue de la capitale : montagnes, bananeraies, images d’Epinal des Caraïbes. Sur le bas-côté, de maigres étals avec un ananas, quelques babioles, des bouteilles d’eau à ne surtout pas acheter, prudence oblige !
Régulièrement, le pays est secoué par des catastrophes naturelles : bien sûr, le séisme de 2010 qui a ravagé une partie du pays apportant son lot de familles détruites, d’épidémies, de grandeurs et de bassesses ; mais aussi, des cyclones à répétitions en octobre, novembre, ou inondations. Les Haïtiens sont fatalistes : « On passe notre temps à rebâtir ! » mais aussi pleins d’espoir : « Les Haïtiens pleurent, rient, dansent et prient. » disent-ils volontiers dans un grand éclat de rire.
Au moment des fêtes pascales, le risque est de croiser la route des Raras plus ou moins menaçants. Cette secte vaudou omniprésente dans ce pays très croyant où tous les véhicules, boutiques affichent « Dieu nous sauve » « Dieu nous aime », se réclame des juifs errants et parcourent des kilomètres en dansant, jouant de la musique, souvent drogués et en transe.
Ce pays est une terre de paradoxes, il ne peut laisser indifférent : on l’aime pour son accueil et on le redoute pour ses violences, on l’admire pour le courage de sa population et on a envie de le secouer pour le nettoyage de ses rues. On y laisse une petite parcelle de soi-même quand on le quitte avec l’idée, déjà puissante, en s’envolant, de revenir très vite.
​
L’école en Haïti
L’instruction primaire est normalement obligatoire dans des écoles « nationales ». Le français et le créole sont les langues d’enseignement mais le français est privilégié (notamment dans les manuels). Il ne s’agit pas d’un enseignement réellement basé sur le bilinguisme. Les écoles privées sont nombreuses et prestigieuses mais ne peuvent être accessibles à tous.
En fait, 1/3 des enfants en âge scolaire ne sont pas scolarisés ou abandonnent leurs études rapidement. Les enseignants sont mal formés voire pas du tout (70% des enseignants détiennent un niveau d’études inférieur au brevet, certains n’ont qu’un niveau de 6ème). De plus, leur salaire est irrégulièrement payé parfois avec des mois d’attente. Plus de 70 % de la population est analphabète.
L’école est encore basée sur l’apprentissage « par cœur » : les élèves répètent et répètent en cœur pendant des heures. Ils ne sont pas capables d’appliquer une règle qu’ils ont (remarquablement) récitée. S’ils se trompent, ils ont encore droit à la « caramelle ». Il s’agit du fouet utilisé pour punir les élèves qui font une erreur. « Répétition » et « coercition » sont encore des mots qui traduisent la réalité scolaire en Haïti. Ces méthodes interrogent sur la volonté de laisser réfléchir les enfants, de les préparer à exercer leur esprit critique…
Il est donc urgent de former des enseignants à des méthodes plus ouvertes, plus réflexives où l’intelligence de l’enfant sera sollicitée pour lui permettre de devenir un citoyen actif. La question de fond est « Quel type d’enseignement pour quel type d’adulte futur ? », c’est actuellement la grande réflexion des autorités scolaires de Jacmel notamment.
Hélas, 85 % des étudiants haïtiens diplômés après un séjour à l’étranger, ne reviennent pas en Haïti préférant émigrer. On assiste alors à la fuite des « cerveaux » tellement indispensables dans le pays. La faculté des Sciences de l’Education de Jacmel a été créée pour tenter de maintenir dans le pays les professeurs formés.